Aperçu historique
Aussi loin que l’on puisse remonter dans le passé, l’Afrique du Nord fut occupée par les Berbères ou Imazighen, connus des historiens égyptiens, grecs et latins sous divers noms: Lebu et Tenehou (au troisième millénaire), puis Meshwesh, Garamantes, Maures, Numides et Libyens. Jusqu'à l’époque romaine, des peuples, apparentés par la langue et la culture, persévéraient dans une civilisation néolithique. Pasteurs et agriculteurs, ils vivaient divisés en tribus, une division qui restera un fait constant et essentiel de l’histoire des Imazighen; Tout en opposant aux envahisseurs successifs une résistance farouche, les Imazighen auront été rarement capables de former des états organisés; ils se latiniseront, avant de s’islamiser, mais en affirmant leur particularité à travers des civilisations d’emprunt. Le premier royaume berbère connu est celui de Massinissa (env. 240 à 149 av J.-C.); celui-ci apporta son aide à Scipion l’Africain contre Carthage.
Après leur établissement en Afrique, les Romains eurent à faire face à un autre grand chef amazigh, petit-fils de Massinissa, Jugurtha (env. 160 à 104 av. J.-C.). À l’époque des guerres civiles, le roi numide Juba 1er fut entraîné dans l’alliance avec les Pompéiens contre César. Vers 52 av. J.-C., le royaume de son fils, Juba II, fut inclus par Auguste dans la province d’Afrique. Juba II, Amazigh romanisé, savant et collectionneur d’objets d’art, reçut en compensation la Mauretanie. Quand Rome annexa celle-ci (40 apr. J.-C.), en essayant d’étendre sa domination à tout le Maghreb, les Imazighen se soulevèrent, obligeant finalement les Romains à se cantonner dans la partie septentrionale du Maroc actuel. La civilisation amazigh se perpétua dans les montagnes.
Durant la conquête arabe, qui débuta en 647, les Berbères opposèrent une longue résistance, incarnée par le chef de l’Aurès, Koçaïla, puis par une femme, Dihya, (vers 695). Sans doute les Imazighen étaient-ils contraints, au cours du VIIIᵉ siècle, à se convertir massivement à l’Islam, mais leur résistance continua de s’exprimer par leur adhésion à l’hérésie kharidjite, ce qui déclencha, en 740, une nouvelle révolte. Les Arabes ne parvinrent à rétablir la situation qu’à partir de 761. Renonçant alors à la politique d’exactions des débuts de leur conquête, ils laissèrent s’épanouir le particularisme berbère dans les royaumes des Idrissides et de Tahert. Cependant, l’entente ne devait pas durer longtemps entre Arabes et Berbères; à la fin du IXᵉ siècle, ces derniers se rallièrent à une nouvelle hérésie religieuse, le chiisme, très différente du Kharidjisme, mais qui leur permettait d’exprimer leur soif d’indépendance. Après le départ des Fatimides pour le Caire et les ravages de l’invasion hilalienne, ce fut néanmoins au nom du Sunnisme orthodoxe que la réaction des Berbères s’exprima, au XIᵉ siècle, avec les Almoravides, puis les Almohades. Ces derniers réalisèrent - fait unique dans l’histoire - l’unité de l’Afrique du Nord. Au XIIIᵉ siècle, cet empire almohade commença cependant à se fractionner, donnant naissance à de nouvelles dynasties berbères, les Mérinides de Fès, les Abdelwadides de Tlemcen et les Hafçides de Tunis.
Dans trois des états d’Afrique du Nord, les berbérophones sont quasiment inexistants: en Libye, où ils ne survivent que dans le djebel Nafoussa, en Tunisie, où ils peuplent une douzaine de villages épars à Djerba et autour des Matmata, et en Mauritanie où subsistent deux ou trois tribus dans la région de Nouakchott. Au Maroc, ils représentent environ 50% de la population et se concentrent dans le Rif, l’Atlas, le Sous; en Algérie, ils sont assez fortement implantés en Kabylie, dans l’Aurès, les cités du Mzab; les Touaregs, eux, se trouvent au Sud.
L’affirmation culturelle amazigh date surtout de la constitution des états indépendants d’Afrique du Nord. Dans les faits, les nouveaux pouvoirs cherchaient plutôt à réaliser une unité nationale qu’à aider les aspirations régionalistes. Leur adhésion à la Ligue arabe, puis leur politique d’arabisation fondée sur une scolarisation intensive, suscitèrent un sursaut berbère. Celui-ci se manifesta, en 1976, lors du projet algérien de charte nationale qui ignora volontairement l’identité amazigh. Tizi-Ouzou fut le siège de plusieurs manifestations violentes à partir de 1980, puisque les berbérophones ne se satisfirent pas du seul département «cultures et dialectes populaires» de l’université d’Alger, et nombreux furent ceux qui réclamèrent l’introduction de la langue berbère à l’école. En 1995, la langue tamazight fut introduite dans les écoles.